vendredi 3 septembre 2010

A en perdre son Nord.

Enfant « rital » en Suisse, j’ai grandi dans la crainte de l’horrible James Schwarzenbach, celui qui pensait de nous, étrangers, que nous amènerions dans son Heidiland, toutes les tares diffusent  partout ailleurs, mais surtout plus au sud.

Et peu importe si ses routes, ses barrages, ses hôpitaux, ses tunnels ou ses maisons étaient en grande partie bâtis, percés, construits à la sueur de ceux-là même qu’il méprisait. Ce très vilain petit monsieur était une honte pour la race humaine, et comme toute mauvaise herbe, il devint vieux, dura jusqu’à devenir vieillard, et multiplia les idées nauséabondes héritées du monde entier, du petit moustachu nazi aux esclavagistes, des Conquistadores et autres Croisées, aux Colonialistes.

Et aujourd’hui encore ou surtout, cette fange brunâtre affiche à qui veut mieux que les moutons noirs doivent aller se faire voir ailleurs, que les minarets sont plus dangereux que le garrot des inquisiteurs, que les wallons sont plus minables que les flamands, que les nordistes sont consanguins, que les nationalistes irlandais sont inférieurs aux unionistes, que les « meridionali » mettent en danger la paisible Padanie, que les Samis de Laponie sont rétrogrades, que les nordestins brésiliens criminalisent le riche sud du pays, que les noirs, que les blancs, que les métis, que les jaunes, que les chrétiens, que les juifs, que les musulmans, que les bouddhistes, que les athées, que les darwinistes, que les sidéens, que les handicapés, que les homosexuels, que les gauchers, que les femmes, que les hommes, que les chômeurs, que les vieux, que les jeunes, que les riches, que les policiers, que les militaires, que ceux des villes, que ceux des campagnes, que ceux du Nord qui sont au Sud de ceux encore plus au Nord, que ceux de l’Est, que ceux de l’Ouest…

Ne sommes-nous pas toutes et tous au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest de quelqu’un, l’étranger de quelqu’un, l’imbécile de quelqu’un ?… ne voit-on pas les ex-prisonniers des camps ouvrir à leur tour des camps pour emprisonner d’autres détenus ? Des fils d’étrangers adopter les idées haineuses qui ont traumatisé leurs parents ? Des étrangers rentrer chez eux et fustiger leurs étrangers ? Des murs sont abattus et servent de matériaux pour d’autres murs à ériger.  Les rideaux de fer sont tombés, et les « interdits de sortir » sont remplacés par les « pas les moyens de sortir ».

« L’Homme est un Loup pour l’Homme », écrivait au 17ème siècle le philosophe anglais Thomas Hobbes. Quid du loup ou du mouton ? Qui distribue les rôles ? Moi j’avais déjà choisi mon camp, celui des indiens dans les westerns de mon enfance.

Quant au loup, le vrai, celui que revient au pays de ses ancêtres, la nomenklatura valaisanne a décidé de réécrire Hobbes en « L’Homme est un Homme pour le Loup ». Mouai…

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